PrÉSentation

21 novembre 2006 2 21 /11 /novembre /2006 14:20
On se souvient aussi à Aubignan.
(Billet écrit par Bruno et que m'a transmis Jérôme chez qui j'ai mangé à midi. Je dirais que c'est exellent! H.G.)
Espace & Temps
 Lundi matin, 6H05, le TGV pour Paris prenait son départ en gare d’Avignon. Je venais de m’installer dans mon fauteuil et je songeais aux relations espace temps et à la théorie de la relativité restreinte.. Rapidement nous atteignons la vitesse de croisière de plus de 300 Km/h .Je me revoyais en classes de première et terminale surpris par les premiers résultats sur les calculs d’Einstein que nous découvrions. J’étais encore quelque peu perturbé par l’histoire que je venais de vivre samedi matin en plein rapport avec la relation espace temps.
 
 
Dans mes souvenirs de gamin, il y a plus de 45 ans, je revoyais mon grand-père remonter tous les deux jours la vieille pendule placée sur le mur dans le couloir d’entrée des Escalettes. Ce rituel était quasiment sacré et suivait une procédure rigoureuse. Il montait sur une chaise qu’il plaçait sous la verticale de l’horloge, ouvrait la porte en bois vitrée qui protégeait le mécanisme, le cadran et le balancier, et il remontait à tour de rôle les deux ressorts : celui du mécanisme proprement dit et celui du carillon qui marquait imperturbablement les heures et les demi-heures. « 20 tours de clé, pas plus me disait il, sinon on casse le ressort ». J’entends encore le son de la couronne dentée du mécanisme qui retenait à chaque tour de clé l’énergie du ressort et qui allait la faire fonctionner automatiquement pendant quelques 48 heures. Et lui qui comptait le nombre de tours,… 18, 19, 20. Puis il reposait méthodiquement la clé sur le fond du cadre en bois de la pendule, refermait la porte avant, descendait de son escabeau de fortune et replaçait la chaise. Je le voyais heureux après ce travail et la journée continuait rythmée par le « dong, dong » de la pendule des Escalettes.
 
Les années passant, je quittais ce havre de paix dans ma mémoire de gamin pour n’y revenir définitivement que quelques mois avant sa mort. La vie suivait son cours, ce long fleuve tranquille que rien ne peut perturber ou modifier. Nous nous installions aux Escalettes et après les premiers travaux dans la maison la pendule trouva refuge dans le grenier. Plus personne ne la touchât, ni la remontât et elle faisait parti des vestiges du temps. La poussière la recouvrit peu à peu, on l’oublia. Elle ne marquait plus le temps.
 
A nouveau après des travaux de toiture cet été, samedi matin, je traînais dans le grenier, ne sachant pas par quel bout commencer de nouveaux rangements. Je feuilletais un vieux magazine Match des années 60 contant les premiers pas de la conquête spatiale et des satellites artificiels quand mon attention fut attirée par un « tic tac » qui perturbait le silence du grenier. J’en recherchais l’origine quand soudain « l’horloge » se mit à sonner. Le dong était quelque peu roque comme la voix d’une personne qui n’a plus parlé depuis longtemps. Elle sonna bien une dizaine de fois. Je retrouvais l’horloge de mon grand-père dessous un tas de vieilles couvertures, cadres et objets divers, posée sur le sommier d’un vieux lit et bien sur couverte de poussière. Je n’en croyais ni à mes yeux, ni à mes oreilles, l’horloge marquait le temps avec soudain un dernier élan de vie, une dernière tension de son ressort probablement déclenchée par les vibrations causées par mes pas sur le plancher du grenier. Je restais malgré tout dubitatif. Comment avait t elle pu trouver la force de sonner une dizaine de fois, comme ça, si longtemps et avec quelle énergie ? Je ne comprenais vraiment pas bien ce qui se passait.
 
J’entrepris de la nettoyer. Je saisis un chiffon et délicatement j’enlevais toute la poussière qui la recouvrait. Je soufflais sur tous les coins pour faire partir les dernières particules. J’ouvris la vieille porte de bois et au fond de la pendule, au même endroit prés du balancier se trouvait la clé, laissée là par mon grand-père quelques 30 ans plutôt. Je me souvenais des derniers temps de cette pendule ou elle ornait bien silencieuse le mur du couloir avant de finir dans le grenier car plus personne, moi pour le premier ne l’avait une dernière fois remontée.
Quand je pris entre mes doigts cette clé, j’ai eu soudainement l’impression pendant une fraction de seconde d’être en contact avec mon grand-père et de lui toucher sa main. Une forme de sérénité profonde et de paix curieusement m’envahit. Je reposais doucement la clé à sa place dans le fond de la boite, prés du balancier et refermais la porte. Je remis l’horloge sur le vieux sommier, calée entre deux coussins et je redescendis rejoindre Cathy pour lui raconter en partie ce qui venait de m’arriver.
 
Je pris la décision de remettre l’horloge en service dés que possible quelque part dans la maison. Elle marquerait et compterait à nouveau le temps des Escalettes. Je la remonterais régulièrement. Je pensais « vingt tours de clé, pas un de plus »
 
Le train arrivait maintenant prés de Paris. Une grande et profonde question se posait en moi. Ma main avait-elle franchit l’espace et le temps ?
 
Une pure coïncidence : troublant, un signe de l’au-delà : peut-être.
                                       Bruno Grangier.
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commentaires

M
C'est sympa de voir que des cousins aussi se racontent des sentiments d'enfance...
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G
Alain a aussi celle de sa grand-mère à Roybon, et quelquefois j'ai envie de la ramener à Lentilly.                                                                 Comme celle que nous avions à Barrême, il faut la caler, bien droite, pour que le mécanisme ne s'arrête pas.                                                 C'est trés émouvant de l'entendre sonner tous les quarts d'heure 4
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J
C'est superbe! Je l'ai entendu et me rappelle celle de Barême mais là c'était une manivelle. Y est elle encore? Oh temps suspends ton vol!
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