PrÉSentation

23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 11:07
Le soleil s'est levé...
Le soleil s'est levé...
Hier soir la tombée de la nuit nous a empêché de voir le tombeau fermé avec les fleurs .
Ces photos sont adressées  aussi à ceux qui n'ont pas pu faire le déplacement et qui auraient aimé être physiquement avec nous .
Bisous à tous

Il en imposait ce grand-père…par sa prestance, son élégance, son regard bleu perçant, son intelligence…pas très étonnant qu’il fasse le voyage avec Messieurs D’Ormesson et Smet.

A l’occasion de notre mariage en 2012, il nous a fait l’honneur et l’immense plaisir de lire la première lecture, ici, dans cette église. Chacun de mes amis et membre de ma belle-famille s’en rappelle et m’en parle encore, au moment de leur annoncer notre perte douloureuse : « Ton grand-père ? Ce grand monsieur qui avait lu à la messe de votre mariage ? Quelle émotion, quelle présence ! »

Il avait si bien lu cette 1ère lettre de St Paul Apôtre aux Corinthiens, ses mots résonnent encore en moi, et se prêtent si bien aux circonstances que j’ai envie de vous en lire un court passage : L’amour prend patience, l’amour ne jalouse pas, il ne se réjouit pas de ce qui est mal mais trouve sa joie dans ce qui est vrai, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais.

Ton amour ne passera jamais, Grand-Papa, il est  bien trop profond, bien trop disséminé dans chaque rainure et recoin de cette famille à qui tu as tant appris. Quand j’ai dit à mon petit garçon Martin que je venais en France pour te dire au revoir, il a eu ces mots pour Papa et Maman : « Ne vous inquiétez pas, il vous reconnaîtra toujours Grand-Papa ». Je le crois, je le sais même, peut-être me confondras-tu avec Mathilde, mais qu’importe ! Tu nous reconnaîtras, comme tu reconnaissais, aimais et portais attention à chacun, y compris aux petits gendres…

Plus jeune, il m’impressionnait et m’intimidait, ce grand-père, avec ses grosses mains…Il semblait toujours occupé et un peu inaccessible. Et puis, années après années, j’ai eu moins peur, il s’est adouci aussi, nous l’avons vu changer, se mettre à la cuisine, prendre  plus le temps, s’occuper de grand-maman et la porter jusqu’au bout…Quelle leçon d’humilité et d’amour il nous a donnée à cette occasion ! A l’époque, je lui avais recopié un poème de Gérard Rosemonde qu’il m’avait dit affectionner particulièrement : « Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille, nous irons réchauffer nos vieux membres tremblant (…). Et comme chaque jour je t’aime davantage, aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. » J’aime à les imaginer tous les deux se retrouver et ça me fait du bien. Je la vois l’accueillir en lui disant « Boudiou ! Tu en as mis du temps ! » et ça me réchauffe le cœur.

Ce que je retiens de lui et que je veux transmettre à mes enfants, c’est cette profonde humilité liée à une sincère simplicité et cette volonté acharnée de vivre en continuant à s’intéresser à l’actualité, à en débattre, à lire, à voyager malgré les souffrances physiques, à faire du sport, à déménager pour maintenir sa liberté…

Je suis toujours très fière quand je parle de ce grand-père et plus largement de la fratrie que vous formez, chers oncles et tantes : parfois paradoxale et étonnante mais néanmoins incroyable, solidaire et, je crois, indestructible. C’est grâce à lui tout ça, grâce à eux, Rose et François, qu’ils continuent à veiller sur nous.

Une bonne nouvelle...

Lorsque lundi dernier, nous avons préparé la cérémonie, j’ai dit au père Michel que j’avais une bonne nouvelle à vous annoncer.
La vie de Papa est un modèle pour tous ceux qui croient en la bonté, à l’ouverture aux autres et à   l’Amour. 
Une vie commencée dans l’obéissance, la soumission devrais-je dire à l’enseignement de l’Église catholique.
Une vie commandée par un respect rigoureux des prescriptions religieuses, une observance de la loi, un formalisme dans lequel d’aucuns auraient pu voir un soupçon de pharisaïsme.
C’est l’époque où, avec Maman, il a éduqué ses enfants, à la dure, on n’avait plutôt pas intérêt à la ramener, d’ailleurs, nous n’y pensions même pas.
Ce système a perduré des années…
Et puis, il a eu son engagement social à la formation des jeunes au sein des MFR, dont avec quelques autres personnes, il a orienté le destin.
La rencontre avec des familles différentes, avec des jeunes en difficultés, mais aussi avec ses propres enfants qui commençaient à manifester leur désaccord...
Et puis, cette enfant promise à la vie religieuse qui quitte l’habit et sa petite dernière, son infirmière, qui épouse un protestant, divorcé de surcroît ! Un monde qui change et pas forcément comme certains le craignent... pas toujours dans un mauvais sens…

Et puis il y a ce fils, ce fils aîné, bien élevé, bien soumis et qui divorce lui aussi.
Un événement qui blesse les valeurs familiales essentielles pour lui et auxquelles il était très attaché.
Ce fils révolté par une Église au discours ambiguë…

Ce fils devenu agnostique, qu’il a accueilli sans lui poser de question, avec au contraire un peu plus de bienveillance.
Les bras ouverts comme le père aimant et miséricordieux, que nous fait découvrir la parabole de l’enfant prodigue.
Depuis bientôt 10 ans, chaque semaine il invitait ce fils à partager son repas.
Échanges bouleversant l’ordre établi, échanges parfois blessants, sans concession, car  un accord tacite stipulait que l’échange dirait en vérité ce que chacun ressentait.
Et l’improbable se produisit, ne restant pas prisonnier de croyances induites, le père,
 tout doucement, passa de la fidélité à la religion à la fidélité à l’Amour.

Le père comprenait le fils, le fils comprenait le père, à tous les deux, ils formaient une espèce de petite trinité modèle réduit dans laquelle l’esprit n’était sans doute pas complètement absent.
Et il n’a pas subsisté un seul grain de sable dans la compréhension et l’acceptation mutuelle.
Dans cette équipe, il n’y avait ni jugement, ni condamnation, simplement ouverture à l’acceptation de ce qui est, dont les causes sont anciennes et les responsabilités largement partagées… Et cela s’appelle la miséricorde.

Et voici donc la bonne nouvelle :
Si Dieu est aussi aimant que Papa et le père Michel me souffle à l’oreille qu’il l’est encore davantage...
Si Dieu est aussi miséricordieux que Papa, et le père Michel me dit que ça ne fait aucun doute...
Alors… Alors la bonne nouvelle, c’est que vous pouvez cesser de vous inquiéter pour votre salut, Dieu aime aussi les agnostiques.
Ainsi, cet accident de parcours m’a permis de vivre une rencontre vraie, profonde, tolérante et aimante avec l’homme qui m’a donné la vie. J’ai eu beaucoup de chance.
                                                                                                                                             Henri.

 

Papa, tu es parti tout doucement à 92ans. Nous savions que tu n'étais pas immortel mais tu laisses un vide immense. Tu étais pour nous tous le lien qui nous unissait et, avec Maman, le ciment qui a construit notre famille.
Nous vous en sommes très reconnaissants.
Tu nous a appris que l'on pouvait avancer en âge en étant tolérant et même en le devenant de plus en plus, et, malgré nos défauts ou nos loupés, en sachant se remettre en cause jour après jour . C'est cette image de Toi que je veux ou nous voulons garder et partager avec nos enfants et nos petits enfants.

Geneviève 

Quand papa m'a demandée si je voulais témoigner, j'ai d'abord pensé que je n'étais pas suffisamment proche de mon grand-père pour le faire, à vingt-cinq ans à peine, je l'ai bien moins connu que ses enfants, et que beaucoup de mes cousins et cousines plus âgés. Mais finalement, c'est une pensée bien idiote, les relations ne se comparent pas, elles sont toutes si différentes et particulières.

Ma vision de Grand papa est celle d'un homme avec une éducation et des valeurs fortes, une pudeur pour exprimer ses sentiments aussi, qu'il a appris à dépasser avec l'âge pour témoigner son affection et donner l'exemple d'un âge qui bonifie, comme le vin, l'inverse même de ceux qui deviennent aigris au fil des années.

Il y a ces phrases, ces choses qui semblent si petites mais que je garde en mémoire : une main sur l'épaule, un sourire «Alors, comment elle va la bretonne?».

Il a supporté certaines de nos plaisanteries, avec un sourire en coin, secouant la tête pour montrer sa désapprobation mais ne cédant jamais (ou presque) face à la provocation.

Je crois que c'est Fanny qui a écrit que Grand-Papa devait être fier de ses descendants, elle a raison oui, et je crois qu'on peut nous aussi être fiers d'avoir eu un tel grand-père. Je dis donc merci pour tout ce qu'il m'a donnée et qu'il nous a donné à tous, une grande famille, riche de diversité (nous sommes tous si différents), éparpillée sur le globe mais bien soudée. Merci pour l'exemple qu'il a été et qu'il est encore aujourd'hui dans le souvenir que je garde de lui.

J'en profite aussi pour dire merci à mon père, mes oncles et tantes, pour nous avoir tenu informés par téléphone et sur le blog de l' état de santé de Grand papa. Je pense que nous étions nombreux à lire le blog régulièrement.

J'ai cru que mon grand-père était solide comme le roc, que tout allait s'arranger et que je le retrouverai à mon retour pour Noël : un sourire, une main sur l'épaule «alors comment elle va la bretonne?». Aujourd'hui, je lui répondrais que non, ça ne va pas très bien, qu'il nous manque à tous énormément.

Amandine

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commentaires

J
Merci.
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M
Merci Emilie, Henri, Genevieve et Amandine pour avoir posté vos témoignages sur ce magnifique espace qu'est le blog mais aussi pour les avoir dits vendredi et nous avoir ainsi offert une cérémonie tellement chaleureuse et émouvante que je ne suis pas près d'oublier.
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H
Merci 'Mathilde' pour ce très beau témoignage que mes oreilles ont eu du mal à capter dans la résonance de l'église.<br /> "Il fait confiance en tout..." La confiance, Papa l'ajoutait aux trois vertus théologales, est une force qui se transmet, c'est un beau cadeau à faire à ceux qu'on aime.
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M
Merci Geneviève pour ce partage,joyeux Noël à tous
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M
Merci Henri. Lu au calme et délivré de l'émotion du moment, ton texte me parle encore plus! Il est magnifique de vérité et d'amour. C'est vrai que tu as su saisir cette "chance". Je t'embrasse très fort ainsi que les cinq autres!
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